Les effets sur mon cerveau sont devastateurs...
Quand
je suis né, de nombreux oracles ont été consultés, de nombreuses fées ont été
conviées et se sont penchées sur mon berceau, après quelques mois de recherche,
mon destin véritable a été gravé sur un énorme bloc de marbre. Il a été gravé à
l'aide d'un burin d'or, trempé dans le sang d'une capricorne (plus de vierge
disponible), sacrifiée selon son propre désir pour rendre hommage au bébé
exceptionnel que j'étais. Le marbre provenait directement du dossier du trône
de Zeus, acceptant de céder une partie de son confort au seul enfant digne de
son attention.
C'était un superbe texte en écriture cyrillique, placé à
côté de mon berceau.
Rah la la, je me souviens encore parfaitement de ce texte
(oui, je savais lire dès mes 1 mois, j'ai fini l'encyclopédie universelle en 19
volumes et demi le jour de mes 3 ans). Il y avait écrit, mot pour mot.
"Dans ce couffin dort l'être pur et parfait. Celui
dont le nom sera sur toutes les lèvres, celui qui contrôlera le monde d'une
main amicale. Tous les hommes seront à ses pieds, par respect, et non par
crainte. Il n'inspirera jamais de jalousie, que de l'amour profond et
véritable. Son physique fera trembler Eros et jouir Vénus, et, sur chacune de ses
empreintes de pas poussera une rose rouge, symbole de sa pureté et bonté. Tout
ce qu'il entreprendra réussira, jamais de déception il ne causera, avec lui la
force sera, le côté obscur il combattra, il sera le trésor des plus laids, le
précieux, le maître…
Un pour les gouverner tous, un pour les trouver.
Un pour les amener tous, et dans les ténèbres les
lier."
Mes parents étaient tellement fiers de moi. Tous les
soirs, ils restaient 25 minutes devant mon couffin, à m'admirer dormir
paisiblement, prenant des forces pour remplir la prophétie.
Mais voilà. J'étais colérique... A 2 ans, je me suis rendu
compte un soir que mes parents ne restaient plus les 25 minutes réglementaires
à m'admirer, mais seulement 24 minutes ! L'affront était grave vis à vis d'une
personne de mon importance ! Je me suis dressé dans mon couffin, et j'ai hurlé,
hurlé, hurlé.
Mais mes parents forniquaient comme des bêtes à l'autre
bout de la maison, et n'entendirent pas mes cris. Et plus je criais, plus je
m'énervais. A quoi donc cela servait-il d'être parfait si même mes géniteurs
s'en tapaient ?
J'ai saisi mon biberon, et, doué d'une force peu commune,
je le lançais violemment sur la plaque de marbre, qui se fendilla en son
centre, puis explosa sous le coup de l'impact, avec le biberon.
Horreur ! Malheur ! J'avais cassé mon biberon préféré !
Que n'avais-je donc pas fait là. Je me mis donc à pleurer, plus de colère, mais
de tristesse. Pendant ce temps mes parents avaient fini leur affaire, et
accoururent dans ma chambre, terrifiés.
Ils ne purent que constater les dégâts... Du lait partout
à travers la pièce. Et des bouts de marbre partout.
Ce qu'on ignorait, c'est que ce bloc de marbre était
enchanté, et qu'une horrible fée y était enfermée. Pour me punir de l'avoir
libérée au beau milieu d'un épisode de Dallas, elle me jeta un sort.
Je serai exactement le contraire de ce qui était gravé sur
cette pierre, elle fit tourner son pain de campagne magique, et un Carambar mou
en sortit, qui se colla juste devant moi.
La malédiction était sur moi.
J'ai donc grandi, espérant
que le destin reprendrai le pas sur la malchance. Que nenni mon ami. Ô, toi,
qui lit ces quelques lignes écrites par un désespéré, toi, oui toi, qui
d’autre ? Enfin bref, ami lecteur, compatis à ma douleur, partage la peine
d’un être exceptionnel au destin tout aussi exceptionnel sur lequel la
malchance s’acharne car il a eu le malheur de pousser une colère à l’heure de
Dallas.
Ma petite enfance se passa
bien. J’étais si jeune à l’époque. Je me revois dans ma petite layette rose avec
des oreilles de lapin. Un sourire se dessine sur mon visage. Ah. J’étais si
jeune et innocent, je ne me rendais pas bien compte. J’avais encore en mémoire
ce sublime texte sur cette stèle, ce qui était écrit restait frais en ma
mémoire, et j’étais persuadé que cette méchante fée reviendrait s’incliner
devant ma perfection et me rendrait mon destin.
Quelle naïveté alors… J’y
croyais vraiment. Si si. M’enfin elle n’est jamais venue, et j’ai enchaîné
catastrophe sur catastrophe. Ce fut à ma quatorzième fracture ouverte, parce
qu’un bête bateau de plaisance était tombé du Jumbo Jet qui le transportait
dans la piscine de mes voisin, entraînant une grosse vague, qui fit voler la
brouette chargée d’herbe en direction de la route. Cette dernière coupa la route
d’un camion qui transportait des vaches, le chauffeur perdit le contrôle, et se
dirigea droit vers moi. Là, j’ai glissé sur une revue de Dallas, oubliée là par
le chien du voisin, apparemment fan (le chien, pas le voisin) et je suis tombé.
Le camion a repris le contrôle, et est reparti sur sa route, je gisais par
terre, la jambe cassée net, Boby me regardait et me souriait, je le haïssais.
C’est ce jour là que j’ai commencé à avoir des soupçons. Même si l’accident
était bête et aurait pu arriver à tout le monde, 14 comme ça en 6 ans, ça
commençait à faire un peu. Je me suis donc méfié, j’épiais tous les signes
annonciateurs de malheur, je traquais toutes les photos de JR, Sue Hellen, Boby
et autres Cow-boys dégénérés, qui apparaissaient généralement avant chacune de
mes mésaventures.
Ma prudence paya. Entre 6
ans et 14 ans je ne me suis cassé un membre que 23 fois, et seulement 7 fois
j’ai eu besoin de passer sur le billard. Et puis, être en convalescence avait
du bon, je pouvais m’adonner à ma passion, lire, dévorer tous les bouquins qui
passaient sous mes yeux avides de connaissance. L’ennui, car ennui il y avait,
c’est que, étant perpétuellement enfermé dans ma chambre avec un membre dans le
plâtre, je n’avais personne avec qui partager ma culture. Je me suis donc
fabriqué un ami. Marcel qu’il s’appelait. Aaaah Marcel, mon ami de toujours,
jamais je ne t’oublierais, tu as accompagné mon adolescence, sans toi je ne
serai pas ce que je suis aujourd’hui, je te suis redevable à vie.
Laissez moi vous parler de
marcel. Il était beau, élégant avec son t-shirt blanc sans manches, légèrement
tâché sur son ventre rebondi, signe qu’il était bon vivant. Et il avait bon
goût, il ne portait que des vêtements de luxe, surtout des pantalons d’un grand
couturier reconnu dans le monde de la mode : Lekoks Portif qu’il
s’appelait. Quel allure il avait. Mon modèle, mon mentor.
Nous avions de longues
discussions lui et moi, partout, dès que l’envie lui prenait de me parler, nous
devisions joyeusement, parlant de tout et de rien, riant… La vie était belle à
l’époque. Mais les gens me regardaient bizarrement, je ne sais pas pourquoi.
Ils essayaient peut-être d’écouter nos conversations dans le bus, comme si
elles les regardaient ! Les gens sont d’un sans gène en ville. Un jour,
tenez vous bien, quelqu’un a même essayé de s’asseoir SUR les genoux de
Marcel ! Oui, oui, dans le bus, sans aucune honte ! Evidement je suis
intervenu, ce genre de chose ne se fait pas, et c’est MOI qu’ils regardaient
comme un extra-terrestre, alors que j’essayais juste de leur apprendre le
savoir vivre !
Je me suis fait virer du bus
ce jour là, mais… snif, excusez moi, c’est dur à dire, mais… j’y pense et une
larme perle au coin de mes yeux. Bon. Soyons fort. Il faut que j’ose le dire.
Mais, donc, Marcel n’a pas eu le temps de descendre… Et… Je n’ai jamais pris le
temps de lui apprendre à lire les horaires de bus. Je m’en veut, j’ai été
négligent, je pensais que tout se passerai bien, que jamais je ne serai séparé
de mon ami. Comme je me trompais…
Jamais je ne l’ai revu, et
j’ai du continuer à vivre sans lui, seul. J’aurai pu m’inventer un autre ami,
certes, mais pour ça j’aurai trahi sa mémoire, et je ne pouvais me résoudre à
cette extrémité.
Et, de toutes façons,
quelques jours plus tard, j’entrai au lycée. Moi qui avais toujours tout appris chez moi, seul dans les livres, un
membre quelconque dans le plâtre, j’entrais enfin dans la vraie vie. La
seconde, la classe des grands. J’étais fier.
Encore une fois on me
regardait bizarrement. Peut-être que mon costume marin n’était pas de la bonne
couleur. Ou peut-être qu’ils mourraient tous d’envie de toucher mon pompon.
Oui, cela devait être ça. J’éclata de rire et je leur expliqua que ce n’était
pas un vrai costume de marin, qu’ils pouvaient le toucher si ils voulaient,
mais que ça ne leur porterai pas bonheur.
Pour leur prouver mes dires,
j’exposa fièrement mes cicatrices, preuves que si ce pompon portait bonheur,
y’avais une coui.. euh.. un problème quelque part.
Les autres élèves s’enfuirent
en courant et criant, il faut avouer que mon corps est recouvert de cicatrices
à 53 pour cent, ça peut surprendre un public de non-avertis.
Alors que je les regardais
s’enfuir sans vraiment comprendre ce qui se passait, quelqu’un me tapota l’épaule !
Ca ne pouvait être que Marcel, mon ami, mon frère m’avait retrouvé ! Je me
retourna en poussant un cri de joie, lui sauta dans le bras en criant "MARCEEEL"
Hélas, il s’agissait du
proviseur, qui, effectivement s’appelait Marcel, mais qui, bizarrement,
n’appréciait pas qu’on l’appelle par son prénom. Il me convia dans le bureau,
et me tint une petite conférence.
- M. P* Richard c’est bien
ça ?
- Oui m’sieur.
<>
- Ecoutez M. P*, si je vous ai
accepté dans ce lycée c’est uniquement parce que vos parents sont actuellement
en traitement dans un hôpital psychiatrique pour dépression aggravée et ne
peuvent s’occuper de vous.
- Ahhh, c’est pour ça que les
céréales ont un drôle de goût le matin ? Un goût de foie granuleux.
- Hum… Vous avez un chat ?
- Euh oui, mais il dort depuis
quelques jours là. Pourquoi ?
- Non, pour rien. Bon, écoutez,
si vous voulez rester dans cet établissement, il va falloir respecter quelques
règles. J’ai déjà été bien gentil de vous accepter en classe de seconde alors
que vous avez 19 ans révolus, il faut me remercier en obéissant maintenant.
D’accord ?
- Oui monsieur.
>
- Bien, alors pour commencer, il
faudra que vous changiez de tenue… Le costume de marin c’est… heu… réservé aux
meilleurs élèves, vous pourrez le reprendre quand vous aurez les meilleures
notes du lycée d’accord ?
Voilà donc pourquoi les
autres élèves me regardaient avec tant d’insistance, ils étaient jaloux de moi
en pensant que j’étais le plus intelligent du lycée, ce qui n’est sûrement pas
faux remarquez.
- D’accord Monsieur.
- Ensuite.. Un second point
délicat. Il ne faut pas se… euh… S’exhiber comme ça. Montrer votre… hum… chose
aux filles ne se fait pas dans la société…
- Mais c’est ma plus belle
cicatrice qui est là !
- Je ne veux pas le savoir,
cette cicatrice et ce qui est avec doit rester dans votre pantalon, aucune
discussion n’est envisageable sur ce point.
J’obtempérais à contre-cœur.
Une cicatrice de 57 centimètres, si c’est pas malheureux de garder ça pour moi…
<>
- Dernier point, reprit-il. Les
cours commencent à 7h30, la prochaine fois, arrivez à l’heure.
- Mais j’étais à l’heure, m’indignais-je !
Je suis arrivé à 7h15 !
- Non, vous êtes arrivé à 19h15…
>
Mon regard se tourna vers la
fenêtre, effectivement, la lune apparaissait.
- Oh.. Dis-je, un peu surpris.$
- Oui, "oh"… Bon
allez rentrez-chez vous maintenant. Et ne rangez plus les croquettes pour chat
avec les céréales, vous avez une haleine… Difficile…
Mais quel génie ! Il n’a
même pas eu besoin de venir chez moi pour comprendre pourquoi les céréales,
avaient un drôle de goût. J’étais décidément fier d’être sous ses ordres, et
mes années lycée se passèrent bien.